18.08.2016

J'ai cherché, je l'avoue, cette cathédrale bleuâtre, ces places aux maisons sculptées, ces rues bizarres et contournées, et tout ce Moyen-Âge pittoresque dont l'avaient douée poétiquement nos décorateurs d'opéra: eh bien ! tout cela n'était que rêve et qu'invention ; à la place de Constance, imaginons Pontoise, et nous voilà davantage dans le vrai. Maintenant, j'ai peur que la salle du concile ne se trouve être une hideuse grange, que la cathédrale ne soit aussi mesquine au-dedans qu'à l'extérieur, et que Jean Huss n'ait été brûlé sur quelque fourneau de campagne. Hâtons-nous donc de quitter Constance avant qu'il fasse jour, et conservons du moins un doute sur tout cela, avec l'espoir que des voyageurs moins sévères pourront nous dire plus tard: “Mais vous avez passé trop vite ! mais vous n'avez rien vu !”
Aussi bien, c'est une impression douloureuse, à mesure qu'on va plus loin, de perdre, ville à ville et pays à pays, tout ce bel univers qu'on s'est créé jeune, par les lectures, par les tableaux et par les rêves. Le monde qui se compose ainsi dans la tête des enfants est si riche et si beau, qu'on ne sait s'il est le résultat exagéré d'idées apprises, ou si c'est un ressouvenir d'une existence antérieure et la géographie magique d'une planète inconnue. Si admirables que soient certains aspects et certaines contrées, il n'en est point dont l'imagination s'étonne complètement, et qui lui présentent quelque chose de stupéfiant et d'inouï. Je fais exception à l'égard des touristes anglais, qui semblent n'avoir jamais rien vu ni imaginé.

Gérard de Nerval, “Vers l'Orient” in Voyage en Orient

 
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04.10.2016

Demain, je voudrais me lever tôt, et écrire cette page à laquelle j'ai pensé, de quelqu'un qui a pris le métro dans le mauvais sens, et qui sort, un peu honteux, à la station suivante (place d'Italie), pour se mettre sur le bon quai, et... Continue →